Cabane de ferrailleur

Date : 2022
Format et technique :  installation – structure bois – tissu imprimé

 

 

Ne chassez pas l’homme trop tôt de la cabane où s’est écoulée son enfance.

Friedrich Hölderlin

 

 

Au cœur du musée d’histoire naturelle, une forme étrange semble être soudainement sortie de terre. Elle se manifeste comme un objet incongru, apparaissant de nulle part, à la manière d’un champignon géant venu contaminer les collections du musée. Les motifs abstraits qui colorent son tronc, figurent peu à peu une entité reconnaissable au sommet : une architecture. C’est bien une sorte d’abri de jardin ou de cabanon vernaculaire, une vieille cabane faite de bric et de broc, qui trône au sommet de cette structure.

 

Présentée parmi les objets hétéroclites du musée, cette construction confronte sa désuétude et la conjugue avec l’étrangeté, la fascination et l’exotisme que dégage ses collections. Cette nouvelle condition peut la donner à voir à la fois comme une pièce d’archéologie, une sauvegarde patrimoniale, un lieu de culte. Elle est, temps d’une exposition, élevée au rang d’objet de collection, «muséifiée» par l’écrin qui l’accueil.

 

 

L’idée de la « conserver » n’entre pas en opposition avec sa nature. En effet, ce type de construction s’oppose au provisoire en ce sens qu’elle n’est pas un pis-aller en attendant autre chose, mais une architecture existant pour elle-même, le temps que quelque chose se produise (Raveneau et Sirost, Anthropologie des abris de loisirs).

J’ai choisi de représenter ici ce type de bicoque, car leur aspect « débraillé » m’a toujours fasciné. En effet, elles sont emblématiques d’un déni des normes esthétiques et sociales. Elle représentent une marge et elles sont revendiquées comme des espaces d’autonomie, de liberté par les anarchitectes des jardins, comme l’exprime si bien Dominique Bachelart dans son texte « S’encabaner ».

 

 

Mais les pans de tissus qui composent cette installation rappellent aussi les cabanes que font les enfants avec de simples couvertures et quelques coussins. Ces huttes deviennent aussi un habitat intime et éphémère, un lieu en marge, siège de la liberté et du rêve. Certains pédopsychiatres ont montré leur importance en tant qu’ aires transitionnelles et leurs fonctions dans le développement de l’imaginaire de l’enfant.

Le public est donc aussi invité à quitter la clarté des vitrines du musée en poussant les tentures et de se glisser à l’intérieur de la cabane. Cette dernière devient ainsi un passage vers un monde onirique et mystérieux. Plongés dans une pénombre verdâtre, les visiteurs pourront expérimenter une ambiance similaire à celle des réserves du musée : l’atmosphère troublante et blafarde des lampes anti-insectes, éclairant des formes étranges qu’on devine être des animaux empaillés, des crânes muets, des momies endormies et des masques occultes.

 

 

 

 

 

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