HIC SUNT DRACONES

Date : 2021
Format et technique :  performance filmée – vidéo HD – 8min22
Collaboration : Richard Pereira de Moura

« Et puis est venue l’idée la plus grandiose de toutes. En fait, nous avons réalisé une carte du pays, à l’échelle d´un mile pour un mile ! »
Lewis Caroll – Sylvie et Bruno, 1893

Résumé du projet :
Printemps 2021, un artiste et un géographe organisent, avec le concours de 632 collégiens, une performance à la fois éphémère et monumentale visant à inscrire la carte dans le territoire. L’action, telle qu’elle a été documentée par des photographies et des vidéos, se veut le témoin de la relation dynamique, et réciproque, entre la réalité du territoire et la représentation que l’on en a. Partant, si la carte n’est pas le territoire selon la formule largement rebattue, elle n’en est pas pour autant qu’une pure abstraction mathématique, mais bien l’échelle qui nous relie concrètement au territoire.
C’est à partir de ces premières considérations que s’est orientée la performance artistique et cartographique Hic sunt Dracones.

 

 

Hic sunt dracones est une inscription latine que l’on trouvait sur les cartographies médiévales. Elle désignait les terrae incognitae situées aux confins du monde – ces territoires encore inconnus, réputés dangereux, peuplés de figures allégoriques telles que des dragons, des lions, des serpents de mer et autres créatures.

Entre le XVIIIe siècle et le XXe siècle, ces inscriptions disparaissent avec la construction et l’affirmation des savoirs cartographiques. Les territoires inconnus sont alors laissés en blanc par les cartographes, non pas pour exprimer le vide, mais au contraire pour accroître la volonté de connaissance et de conquête de ces territoires encore à explorer.

Désormais, toutes les portions de la Terre semblent être connues, cartographiées et numérisées. Néanmoins, la carte continue de faire rêver, de stimuler l’imaginaire et de susciter l’expérience des lieux. Car la carte n’est pas seulement une représentation de l’espace. Si elle est certes une image du monde, elle est aussi, et surtout, une manière pour l’Homme de s’inscrire concrètement dans le monde en le chargeant d’une certaine intentionnalité (valeurs, croyances, symboles, matérialités, etc.). Et c’est bien la relation entre la réalité du territoire et sa représentation qu’il s’agissait d’interroger à travers ce travail.

 

632 élèves d’un collège de campagne traversent le territoire en soulevant des lettres monumentales. En mouvement dans le paysage, ces lettres forment la locution cartographique Hic sunt dracones. Considérant l’idée selon laquelle la carte n’est pas le territoire, les élèves contribuent ici à en tester l’hypothèse inverse de manière concrète et collective. Et si la carte pouvait imprimer le territoire le temps d’une performance monumentale ?

 

Cet intérêt pour les formes cartographiques est à l’origine du travail initié par le plasticien Guillaume LEPOIX et le géographe Richard PEREIRA DE MOURA. Leur intention est née lors d’une visite de Thérouanne, dans les Hauts-de-France, à l’occasion d’une résidence-mission de 4 mois sur le territoire. Tous deux ont été rapidement frappés par l’inscription dans le paysage, de l’histoire et de la géographie de cette cité antique et médiévale. Celle-là même, située aux confins de l’empire romain, ainsi que le rappelle la Table de Peutinger, et habitée par les Morins que Virgile avait désigné comme les Extremi hominum Morini (les hommes du bout du monde). C’est en écho à ce contexte qu’ils ont amorcé leurs premières recherches.

Très vite, l’intention est fixée, le cadre annoncé, soutenu par les enseignantes et la direction de l’établissement. Pour réaliser cette performance, l’implication de tous les élèves, des familles, des acteurs locaux et de la communauté éducative aura été nécessaire. Durant 4 mois, plusieurs moments et rencontres se succèdent : harangue d’ouverture au chantier à venir, travail de recherche et de documentation cartographiques, collecte des matériaux nécessaires, chantier de construction des lettres, déambulation collective et documentation vidéo, et enfin, la réalisation du court-métrage, témoin de l’expérience vécue avec les élèves.

 


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