Exposition réalisée dans le cadre de la Résidence croisée Mexique/France Yucatán/Bretagne au sein du programme « La Fabrique des Images » de L’Institut Français d’Amérique Latine
Lieux : Galerie FrontGround – Mérida – Mexique| Dates : Du 7 au 30 juillet 2015
À travers la peinture, le dessin, la sculpture, la photographie et la vidéo j’essaye de trouver le point d’équilibre, l’interface entre ces deux notions. Après trois mois de création, cette exposition peut se lire comme un journal de travail, de plus, la galerie «FrontGround» a été mon atelier pendant la résidence. Durant cette période je me suis efforcé de rechercher une «intimité perdue», de trouver l’espace fugitif entre fiction touristique et réalité quotidienne.
« Percevoir, penser et interpréter le monde sont des processus très dissemblables mais qui ont une visée commune : donner une valeur à la relation qui existe entre l’individu et ce qui lui est extérieur. Nos sens physiologiques nous fournissent un type d’information sur le monde : lumière, sons, textures, saveurs, odeurs, etc. Nous interprétons ces sensations en espérant obtenir une connaissance de notre réalité immédiate, tandis que la part d’intelligible qui n’existe que dans la pensée scrute à la loupe chaque stimulus des sens. Ainsi perception, pensée et interprétation interagissent-elles en permanence. Pour un jeune artiste en résidence à l’étranger, ces trois instances sont un défi à relever, car son bagage aussi bien scolaire que technique et personnel est confronté à une réalité nouvelle qu’il doit appréhender. Les observations, les recherches et les liens que développe l’artiste résidant reflètent le réseau complexe d’idées et de conceptions nées de la rencontre de deux univers.
Dans le cadre du programme Résidences croisées à Mérida, au Yucatán, l’artiste français Guillaume Lepoix a créé un corpus d’œuvres qui dévoile un espace fugitif entre l’utopie touristique et la réalité quotidienne de la ville de Mérida. Cette exposition est intitulée Interface, car les œuvres de Lepoix établissent une connexion entre la réalité et la fiction qui habitent l’architecture, le passé précolombien, l’époque coloniale et l’occidentalisation du Mexique.
Composée de six pièces, l’exposition s’articule autour de trois thèmes liés entre eux : la religiosité, l’inframonde, et l’entropie qui vient les perturber. À travers la peinture, la vidéo, le dessin et les installations, Guillaume Lepoix transforme ces trois thèmes en interfaces, en plans où se rejoignent une réalité constante et une autre fuyante, où apparaissent des phénomènes non perçus jusqu’alors.
Cesura (acrylique sur toile) présente une construction pyramidale flottant dans l’espace où sont superposées à la manière d’une poupée russe les églises les plus fréquentées de Mérida, rappelant le fait qu’elles ont été bâties avec les pierres des anciens temples mayas démantelés par les conquistadores espagnols. El Espectro, exacerbation d’un élan de foi transfiguré, illustre le culte de saint Charbel Makhlouf en représentant ce dernier entièrement recouvert de rubans, ce qui confère à cette dévotion une dimension surnaturelle. Dans cette série d’œuvres, la religiosité qui imprégnait la Mérida coloniale se juxtapose aux ruines précolombiennes, pour resurgir à notre époque contemporaine, sous l’influence de processus entropiques de perte d’énergie. Souvenirs, une série d’impressions en 3D de figurines miniatures, d’objets divers et de « souvenirs » de touristes collectés par l’artiste, fait figure de carnet de voyage reflétant une banalisation de la dévotion, l’expérience mythifiée des grandes pyramides mayas étant réduite à l’acquisition de petits objets fétiches.
retraçant la dégradation de constructions anciennes ou plus récentes : ruines d’haciendas, temples mayas, églises délabrées et bâtiments modernes abandonnés. On songe encore une fois au travail réalisé par Smithson en 1969, précisément au Yucatan, avec ses diapositives de Hotel Palenque. Les ruines contemporaines et les vestiges anciens forment un circuit, un parcours temporel entropique qui les dévore, reliant le passé historique, le présent quotidien et l’avenir.
Interface de Guillaume Lepoix est un condensé de perceptions intelligemment structurées pour témoigner de l’expérience de l’artiste dans la blanche Mérida. Les interprétations qu’il a élaborées afin de déchiffrer son environnement semblent nées d’un retour au lien originel qui unit l’homme au milieu naturel. À travers son travail artistique, Guillaume Lepoix a su déceler des traces d’intimité et de subjectivité oubliées, au sein d’une réalité mexicaine où coexistent de manière insolite l’illusion et la véracité. »
Texte de PATRICIA MARTIN
Commissaire d’expositions et critique d’art mexicaine indépendante
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